mardi 4 mai 2010

Lettre cinq.

Mardi.
Il me semble que ma fatigue d'aujourd'hui n'a pas pour origine que le travail que je suis incapable, par ailleurs, d'accomplir - de trop y penser.
Je ne sais pas s'il s'agit simplement de repousser ma fierté en te disant, t'envoyant les mots. J'y pense, A. m'a regardée de façon étrange, j'ai peur qu'elle ne sache, j'ai peur qu'elle ne me déteste, tant de gens semblent me détester : ce n'est que le reflet de ma propre haine.
Tu vois, rien que cs premières lignes expriment comment je me sens actuellement : floue, emmêlées. Je crache déjà sur cette lettre, je suis agacée de ne pas parvenir à te dire exactement ce que je veux - quand bien même ! quelle honte ! il s'agit de lettres de l'interdit que je m'interdis par définition de te faire parvenir, de peur que tu ne fuies.

***

Je reconnais avoir beaucoup manqué. J'ai mal géré les pions ; cependant aujourd'hui même je ne sais pas comment j'aurais du faire, et encore moins comment je dois faire.
Ma seule envie, qui peut-être est finalement la bonne mais me demande trop de témérité étant donné les circonstances offertes, revient à être seule devant toi.
Alors je te dirais 'c'est à toi, c'est à toi', ou t'embrasserais on ne peut plus doucement pour ne pas de brusquer, mais cet affront m'effraie déjà en soi.

lundi 3 mai 2010

Lettre quatre.

Je me précipite comme pour essayer une dernière fois de ne pas te perdre.
Peut-être que là encore j'aurais la chance de t'avoir gardé, mais cela dépend plus que jamais de toi. Seras-tu l'enfant ces fois-là, ou joueras-tu de nouveau avec brio et élégance.
Je te supplie de mes yeux défunts, de mon âme en alerte, de ma chair en extase dans le souvenir des jours révolus, gâchés par tant de jalousie non-dite, et dont je ne peux que murmurer le nom de peur de me tromper ; et, à tant de kilomètres, à tant de distance, ton cœur peut très bien aller vers la facilité, et j'en meurs.
Je hais les tortures que tu m'infliges, jouant de sa petite âme. Je suis une fille facile à ton écueil depuis que j'y ai ouvert de ma lame, seulement, hier, j'ai quitté : tu y as vu mille incapacités. Quand tu reviendras, j'aimerais courir à ton refuge, y embrasser goulument, tendrement, désespérément, quitte à dire au revoir comme il se doit cependant.
Comme il me blesse de voir tout cela finir maintenant, pourquoi le tuer, je t'embrasserais mille fois s'il le faut, plutôt que de te voir tenir la lame. Je jure d'écouter tes paroles si seulement tu daignes en dire. Si je fais ce que j'ai fait et ce que je rechigne cependant à faire, il s'agit probablement d'oublier, mais encore plus, ou d'autant moins, de te voir, palpitant de jalousie. Seulement plutôt que de me le dire, tu préfères m'insulter sauvagement, pour me voir souffrir plus certainement et plus directement.
Allons tu le sais que je m'ouvre pour toi et à toi. Il n'y a pas besoin de paroles; Pourquoi douter de moi. La seule personne qui se doit d'être perdue ici, c'est bien moi. Jamais tu ne m'as dit m'aimer. Et je l'ai cru si fort pour m'en soigner, pour croire que j'avais une quelconque valeur. Et de plus en plus, tes caprices et tes crises, tes possessivités me poussent à le croire.
Pourquoi mentir ?
Pourquoi lui faire croire que je dévoilais tout au Danger alors qu'il me volait un baiser ?
Pourquoi écarquiller les yeux devant icelui, tirant nerveusement sur le tabac, alors que tu devais l'avoir aisément. Il eut suffit que tu me le demandes et rien qu'à l'imaginer, imaginer cette idée, je sens le plaisir culminer et mon ventre se déchirer.
Je t'aime allons, je n'ai de cesse.
Quand bien même je ne te le dis pas, c'est pour bien te préserver, et aussi, dans un égoiste suprême que je me réserve sans fougue, c'est bien pour me préserver aussi, je ne peux me détruire de trop. J'ai une humilité, une fierté, je ne puis offrir ces mots à tout le monde. Personne ne les a connus réellement. Allons, je ne t'aime pas. Je ne t'aimerai probablement jamais, non, je me passionne, de toi, de tes bras, de ton odeur, qui est absente, de ton jeu, qui me lasse, de tes cheveux, que je n'aime pas, de ta bouche, que j'oublie, de tes dents, qui me font sourire, de tes yeux, mais pas de leur forme, de ton corps, qui me déplait, de tes oreilles, que je ne connais pas, et je m'en étonne, de ta petite forme qui n'a rien de bien plaisant à une femme comme moi, tu n'as rien, rien pour toi, que l'obsession d'une inconnue.
Allons, pourquoi fuir, je me tairais j'ai dit, je me tairais autant qu'il le faut, je le promet, et je ne ressens nul besoin de le promettre, je le ferais c'est ainsi. Elle n'aura pas besoin de savoir, comme personne, tu pourras dire 'je suis en couple', ou 'je sors', ou encore 'j'aime' et ne pas m'aimer, comme je ne t'aime pas. Tu pourras dire 'je ne suis avec personne' et surtout 'je ne veux personne'. Tes libertés ne seront pas entières, dans le sens où tu me dois le respect, cependant tu pourrais encore flirter, pour l'idée, et m'aimer, passionnément, te passionner, et surtout partager l'amour de draps, et des cendres, après, et m'aimer, sans m'aimer, je ne t'aime pas.
Je ne te prendrais rien d'autre que tes regards dans l'abandon, ta main, je la baiserais, tellement, et ta peau, je la dévorerais, dans un instant trop court. Laisse moi m'y droguer, m'y laisser, un peu, avant de t'en aller.
Si j'avais l'affront de manger ta bouche avant tout.

Lettre deux.

(Au coin d'un cahier le lendemain de la première, comme je ne peux attendre)


Je ne peux attendre d'y être pour m'alléger. Le poids est donc si lourd. Et je te sens irrémédiablement attiré par ma présence, si bien que tu pourrais t'y reposer toujours : je ne te laisserai pas. Peut-être s'agit-il de cela, tu le sens, au jour où tout le monde détruit ta confiance tu sais que par cette alliance j'en mourrais de te laisser tout à fait. Je suis rongée par ta douleur et je la sens traverser les murs et les autres j'ai envie de tendre mes bras pour que tu t'y soulages : mais le droit ne me semble pas laissé. C'est que je suis morte de peur et bien vite je me suis retirée tout à l'heure, ayant bravé une interdiction et ployant sous ta peine. Ou peut-être s'agit-il d'une mise à nu qui expliquerait tout cela, et ton rapprochement qui semble si logique soudain mais m'empêche de faire culminer ma douleur pour la tuer autant que possible. Plus que jamais te demander ma compréhension et j'hésite à m'ouvrir de peur de ne pouvoir la fermer ce qui finalement soulignerait (?) ultime beauté. Me voilà donc (?) sacrifiant mon âme plutôt que la tienne.

Lettre trois.

Je devrais te les envoyer. Je devrais tellement.
Peut-être que nous tuons tout.
Peut-être nous tuons nous.
Je sens, à quelques jours près, la culpabilité dévorer mes chairs.
Je n'ai pas envie, malgré tout, ton idiotie, ta faiblesse à dire 'oui', trois lettres évidentes, je n'ai pas envie, malgré tout, tes paroles odieuses, tes actes d'enfant, je n'ai pas envie de t'y laisser.
Et si tu m'ouvrais la main, grande, paume vers le ciel, tu aurais le droit de fermer les yeux, ou de les ouvrir bien grand, de me laisser avaler 'those deep eyes', dans une concordance parfaite, plutôt que d'extasier ta vanité à tout ruiner.
Je me damnerais.
Je me damnerais pour ta petite âme fraîche et confuse, embrumée par des siècles dont je ne connais rien, moi qui pourtant te dévore aussi facilement que si tu m'étais.

Une partie de moi refuse de t'abandonner. C'est que tu me retiens quand je me désenchaine, que tu me dis de rester à mi-voix, si peu que j'en doute infiniment, alors qu'il te suffirait de m'arrêter d'un mouvement pour peu qu'il soit juste.
Allons ne t'amuse pas ! Soit hanté, petit enfant des mondes perdus, combien je te déteste.
Je ne sais ce qui est le pire : te laisser me retenir ou me laisser t'aimer, ou bien ne plus t'aimer, refuser de t'aimer, j'ignore tout.
Ne peux-tu pas avoir un peu d'indulgence pour celle qui t'aime, celle que tu aimes assez pour refuser de la voir autrement qu'à toi ? Allons je te demande pardon, je me soumets une dernière fois, mais prends alors.